MYD Spécial Censure Vol3 No3

CYBERCULTURE :
DES SERVEURS SOUS SURVEILLANCE

Au début de 1999, les autorités françaises perquisitionnent dans les bureaux de nombreux serveurs d'hébergement gratuits. En résulte la disparition de milliers de sites Internet.


SERVEURS
&CENSURE

L'année 1999 a très mal démarré pour les services d'hébergement français. Une loi les tient maintenant responsables des sites Internet qu'ils hébergent. En raison d'un seul site litigieux, un site perdu parmi tant d'autres, les forces de l'ordre s'emparent carrément du serveur incriminé et pénalisent tous les autres sites. Déjà les serveurs d'hébergement gratuits, Geocities.com, Levillage.org et Altern.org ont dû provisoirement fermer boutique alors que les autorités se saisissaient de leurs ordinateurs. 

Nous pouvons nous questionner sur le bien-fondé de ces actions en justice. La liberté de presse serait-elle réservée à une certaine élite? C'est ce qu'avance une coalition de webmestres qui se sont regroupés afin de dénoncer cette forme de censure. Elle risque, disent-ils, de détruire le principe de gratuité sur la Toile et de faire disparaître un phénomène tout récent dans la culture populaire, l'autopublication.


ALTERN.ORG

L'histoire débute le jour où Estelle Hallyday apprend que des photos d'elle, dans son plus simple appareil, sont diffusées sur le site d'un webmestre qui se surnomme Silversurfer (hébergé par le serveur Altern.org.) Les clichés sont accessibles par tous les utilisateurs, sans droits d'auteur et sans restriction d'accès, raison légitime pour cette première plainte.

Quelques semaines plus tard, un second site dénommé ~Calimero, toujours hébergé par Altern.org, est accusé de plagiat. C'est trop injuste, dirait le petit poussin hydrocéphale, puisque le webmestre, un adolescent, ne savait pas qu'il était strictement interdit de reproduire les images larmoyantes de sa série préférée.

Puis la liste s'allonge avec la plainte de la RATP (Régie autonome de transport parisien) qui amorce une poursuite contre un site qui s'est moqué de ses autobus en les qualifiant de « promène-couillons ». S'ajoute ensuite un politicien qui s'estime diffamé dans un forum de discussion sur le site de la « Confédération nationale du travail. »

Submergé par les plaintes, le propriétaire du serveur d'hébergement est contraint de fermer Altern.org. En raison de seulement trois sites litigieux, c'est la mort de 47 634 sites francophones. Vive le berceau des libertés individuelles! Vive la France!

Altern.org, un cas de jurisprudence
Altern.org - La censure sur le net

 

 



LEVILLAGE.ORG

Une solution excessive, dites-vous? Voyez également le cas du serveur LeVillage.org. En décembre 1998, la police effectuait une descente qualifiée « d'extrêmement musclée » dans les locaux de la compagnie pour avoir hébergé un site dédié aux films d'horreur. Un site qui présentait selon les autorités « des images de nature à choquer la sensibilité des mineurs. » — la raison! 

Un responsable du serveur m'expliqua le véritable motif de cette perquisition : « Nous publions un magazine, L'Écho du Village, qui possède une ligne éditoriale plutôt de gauche, qui s'apparente à la philosophie du serveur Altern.org, où chacun prône la gratuité sur Internet et la diffusion de logiciels libres, c'est-à-dire des logiciels gratuits possédants un code ouvert. C'était ça le problème. L'esprit du Libre. »

La descente se conclut par la saisie des serveurs et même par la garde à vue et la mise en examen des cadres de la compagnie. À la réouverture des serveurs, certains sites personnels qui prônaient la culture libre, dont Mysterious Yanick.D, avait disparu.

La thèse de la censure fut populaire dans les forums francophones. Certains prétendaient que les autorités cherchaient à se débarrasser des services d'hébergement gratuits, mais d'autres serveurs comme Chez.com, Multimania.fr et CiteWeb.net faisaient leur petit bonhomme de chemin sans problèmes. Évidemment, ces serveurs n'alimentaient pas la controverse et ne prônaient pas la « culture Libre. »

La culture Libre

 


ÀQUILAFAUTE?

En réalité, nous avions affaire à un vide législatif. Les autorités s'attaquaient directement aux serveurs d'hébergement à défaut de pouvoir connaître les auteurs des sites incriminés, qui bien souvent utilisaient des noms d'emprunt et des adresses fictives.

À l'époque, les internautes percevaient très mal toutes tentatives de réglementation d'Internet et aucune loi ne permettait de protéger les hébergeurs gratuits et les sites qui en dépendaient. Il fallait bien prendre certaines mesures afin de contrer l'anonymat des webmestres, se défendaient les autorités. Il fallait identifier les auteurs des sites litigieux, contrer les fraudeurs, les pédophiles,  les révisionnistes, etc.

En 1999, le cas d'Estelle Hallyday passa à la légende urbaine. On racontait, par exemple, que Francité, un moteur de recherche français, renvoyait une page vide lorsqu'on tentait une recherche en tapant : « Estelle Hallyday ». Ce qui était totalement faux. Reste que la communauté virtuelle associe désormais le nom de madame Hallyday aux poursuites judiciaires contre Internet, comme si elle avait envie d'en faire un métier; plaignante professionnelle.

Estelle Hallyday de nos jours (nue)

Yanick D. 1999.

 

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