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La
rumeur à des fins commerciales
Le
marketing viral
Ce
texte fut publié dans le magazine L'Écho du village. N°22.
mai 2002. P.24-27.
D'après un interview réalisé pour le magazine de la nouvelle
économie, Newbiz.
N°21. Mai 2002. Cette dernière version fut modifiée en
Mai 2004.
La
propagande ne date pas d’hier. En effet, le commun des mortels a
toujours cru, par pure naïveté ou par conditionnement, aux informations
officielles. Depuis l'invention d'Internet, il est maintenant
possible de manipuler l'opinion publique en exploitant le
phénomène des rumeurs en ligne. Le principe se nomme le
« Buzz Marketing » ou la «Mercatique virale».
Il a toujours été
possible, bien
que malaisé, de manipuler l’opinion publique par le biais des
rumeurs et des ragots, bref en exploitant le principe du bouche-à-oreille,
mais la
méthode s'est vu simplifiée depuis
l'invention du courrier électronique.
Le principe
est fort simple : il s'agit d’attirer l'attention du
consommateur avec une information sensationnelle afin de faire de
lui un vecteur de communication du message.
Par exemple, cette
technique est souvent employée lors des campagnes promotionnelles Hollywoodiennes. Il suffit de penser aux divers scandales qui ont souvent précédé
le lancement des films : Les nombreux problèmes lors
du tournage de «Apocalypse Now», le supposé fantôme qui apparaissait
dans «Trois hommes et un bébé», ou la relation
houleuse de Tom Cruise & Nicole Kidman pour le film : «Les
yeux grands ouverts». Les exemples ne manquent pas.
Par contre le marketing viral proprement dit, celui dont
parlent les magazines
financiers
depuis 1997, vise exclusivement
Internet comme
source d'information initiale et le courrier électronique
comme vecteur de propagation. Hélas
si le procédé du «bouche-à-oreille» est relativement inoffensif,
l'utilisation
d'un média bidirectionnel de masse est beaucoup plus risquée; autrement
dit, il est pratiquement impossible
de s’assurer qu’une rumeur publicitaire ne
sera pas dénaturée et qu'elle ne se retournera pas contre son auteur.
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Enigme
et publicité Internet

Une
vieille méthode, susciter un débat
à des fins publicitaires en proposant une énigme qui
aiguillonnera l’intérêt du public. Steve Kemper, par
exemple, prétendit qu’il avait inventé un moyen de
locomotion, baptisé Ginger, qui « se répandrait dans
le monde entier, changerait les vies, les villes et les façons
de penser.»

Pendant plus d’un an les spéculations
furent nombreuses sur Internet. Dans un forum de discussion on évoqua même la découverte
d’un engin de téléportation. L’inventeur vint à lever le voile sur
cette mystérieuse Ginger; une trottinette à moteur. Vive le marketing viral !
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PARLES DE
MOI EN BIEN OU EN MAIL

Il
existe différentes façons d’aborder le marketing viral, de la méthode
bébête, à la stratégie carrément machiavélique. Au
degré le plus bas, il y a le pourriel (le spam), l’envoi massif
de courriers électroniques, souvent des
messages aguichants, des fichiers attachés rigolos, des chaînes de
lettres attrayantes, des propositions d'affaire, de prétendues pétitions électroniques. Tous
ces fichiers viennent évidemment avec une signature corporative ou
un lien Internet. Cette méthode est abondamment exploitée.
Pourtant elle s’inscrit dans une logique publicitaire déplaisante, peu efficace. Généralement les internautes ne portent
pas attention aux messages non-sollicités. En outre, ces pourriels ont
tendance à susciter la méfiance et l'antipathie.

Un variante
plus aboutie du marketing viral : des spécialistes en communication tentent de manipuler l’intérêt du public et des médias en produisant de faux événements
(stund),
s'appuyant sur la logique qui veut qu'un scandale
factice, ou un fait
d’actualité savamment orchestré, peut susciter une controverse et amorcer un débat. (voir l’encart
ci-dessus.)

Pour réaliser un tel exploit, il suffit de
connaître le routage de l’information. Bref, de savoir sous quelle forme
et à quel
endroit il est préférable de laisser un communiqué
afin de maximiser la crédibilité de la rumeur et ainsi permettre
que le message soit repiqué par les médias conventionnels.

Par
exemple, il est utile de dresser une liste d’adresses électroniques de
journalistes peu consciencieux et de savoir reconnaître les magazines
et les salles de presse qui manquent cruellement de scoop. Ce ne sont pas les cas qui
manquent; principalement durant la saison estival!

LE
MARKETING VIRAL EST-IL EFFICACE ?

Les
compagnies qui emploient le marketing viral jouent-elles avec le feu
? Cette méthode publicitaire
exploite la rumeur. Elle repose donc uniquement sur
la participation et la réaction du public.
Une rumeur est comme un brasier, elle peut changer de direction, se modifier et s'amplifier au point de devenir totalement incontrôlable.
La méthode
est donc imprévisible.

Afin
d'éviter
une possible conflagration, on a inventé
un nouveau métier, une sorte de spécialiste de la rumeur. Connecté à l’imaginaire
collectif et à la culture qui se développe sur la Toile, les 'Rumeurologues'
tentent de prévoir les sujets qui seront en vogue dans un futur
rapproché, dans le but de produire des rumeurs plus efficaces.

Toutefois le
marketing viral demeure une opération à haut risque. Dès le
moment que les gens s'aperçoivent qu’une compagnie tripote
l'opinion publique, il y a une forte chance pour que la tentative
de propagande se transforme en campagne de dénonciation et qu'un
fort sentiment d’animosité se développe envers la dite
compagnie. La grogne populaire peut aussi bien produire, à son
tour, son lot de rumeurs farfelues. Pis encore, cette animosité
peut facilement être exploitée, voir imputable à une compagnie
concurrente. Il est trop facile pour un adversaire de détourner un
«buzz marketing» à ses propres fins.
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Un
cas de «Buzz Marketing» ?

Nombreux
furent ceux qui crurent en cette offre alléchante
envoyée par courriel. Il suffisait de faire suivre le
prétendu message promo de Nokia à 10 personnes pour recevoir
un super téléphone portable. Ceux qui envoyait le message à
25 personnes recevaient eux aussi un téléphone mais plus
haut de gamme. La supercherie n'a pas duré bien longtemps.

Pub pour Nokia ? Le nom de la firme a en effet
été cité à maintes reprises et l'affaire a sûrement
généré du traffic sur son site.

N'empêche que ce courriel a fait perdre beaucoup
de temps à de nombreux employés de Nokia qui durent
répondre aux moult demandes des internautes.

De même, l'image de la marque a pu être terni. Recevoir le
courriel 30 fois par jour tend à agacer rapidement. Qu'on le
veuille ou non, une association entre le désagrément et
Nokia était faite. Profitable la rumeur ? |
COMMENT
CONTRER LE MARKETING VIRAL ?

Voici
la règle numéro un de la désinformation : Attendez que votre
concurrent manipule l'opinion publique avant d’attaquer. Le
détournement d’une rumeur est toujours plus crédible que le
détournement de la vérité.

Explicitement,
faites simplement réaliser au public que votre concurrent use de désinformation,
vous détruisez d’un coup sa crédibilité. Il vous
sera alors possible de sous-entendre que votre concurrent n’est pas
net et qu’il camoufle des squelettes dans ses placards.
Finalement, inventez ses dits «squelettes».

Il
est également possible d’exploiter la faiblesse du marketing viral
à son profit. Par exemple, en sachant que l’envoi massif de
courriers électroniques non sollicités (spam) risque de vous rendre
antipathique envers le public. Pourquoi ne pas effectuer une campagne
de pourriels sans précédent, mais au nom de votre concurrent ?

-
Je suis trop tordu
!
À
QUI PROFITE LE MARKETING VIRAL ?

Les boîtes de communication exploitent rarement le «buzz
marketing.» et le font de façon fort maladroite. Ces firmes auraient sûrement intérêt à engager des activistes,
plus précisément des cyber-activistes. Ces derniers sont les rois incontestés
de la rumeur. En effet, les légendes urbaines et les prétendues
conspirations présentées
sur la Toile sont de plus en plus les produits d'internautes mécontents,
désireux de s’attaquer à la réputation d’une compagnie, d’un
organisme, d'une politique ou d’un ancien employeur.
Et les victimes de ces «calomnies
virtuelles» se contentent habituellement de se défendre à
grand coup de dénis officiels, preuves de leur incompétence en matière
de marketing viral. Il faut savoir que le déni officiel s’avère
bien souvent une erreur stratégique, un coup d’épée dans l’eau.
C'est pourtant connu, la meilleure façon
de se défendre contre une rumeur calomnieuse, c’est encore de
l'ignorer ou de produire un évènement qui captivera d'avantage l'attention. Bref, il est inutile de nier
la rumeur, il faut avant tout détourner l’attention du public vers
une nouvelle source de distraction. Le public n'est pas con, mais il possède
une mémoire à court terme qui dépasse rarement les trois semaines.
LE
MARKETING VIRAL & LE RESPECT DE LA VIE PRIVÉ ?

Il existe
un marché
pour les informations personnelles
mais il s’agit
normalement d’informations peu ciblées. Il est
principalement question de listes d'adresses électroniques, des
adresses accumulées en vue de produire du spam.

Pour ceux
qui désirent acheter une liste de courriers électroniques, je
leurs conseille de lorgner en direction des sites Internet
possédant un service d'abonnement, comme le mien.
Plusieurs webmestres sans vergogne sont prêts à vendre au plus offrant
la liste d'adresses électroniques de leurs abonnés. Mais il existe
des méthodes plus efficaces afin d'extirper les adresses
électroniques des internautes trop naïfs. Certaines compagnies
de promotion en ligne produisent par exemple des sites de sondage ou
de pétition électronique qui, sous le couvert d'un service gratuit
et désintéressé, voir humanitaire, ne servent en fait qu'à vous demander votre
adresse électronique.
QUEL
EST L'IMPACT DES LÉGENDES URBAINES SUR LA SOCIÉTÉ ?
ET QUE REFLÈTENT-ELLES ?

Les
légendes urbaines découlent toujours d'une crainte qui
hante la société, elles sont toujours imputables à un manque
d'information parmi la population. Elles sont les transpositions d'une angoisse
généralisée. Par exemple le sentiment d'ignorance et la crise émotionnelle
résultant des événements du 11 septembre 2001 ont suscité un nombre
incroyable de légendes urbaines. (Lire
notre Spécial WTC)

L'ignorance
et la crainte sont de bons facteurs de propagation. Coté
impact, c’est du cas par cas. Il n’y a pas de règle établie. Il faut tenir compte du contexte dans laquelle la légende
urbaine se propage. En temps normal, la légende urbaine n'a pas
d'impact majeur, sinon d'être symptomatique d'une
méconnaissance et d'une préoccupation sociale.
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UN
PEU D'HISTOIRE

L'un
des premiers spams répertoriés date de 1994. Ce sont
deux avocats Américains, Laurence Canter et Martha Siegel qui
en étaient les auteurs. Pour faire la promotion de
leurs services, ils n'hésitèrent pas à faire leur pub sur
près de 9000 groupes de discussion sur Internet. Pour une
mise de départ de 25$, ils auraient ainsi généré plus de
100 000$ de bénéfices.

Cette
expérience les a d'ailleurs poussés à écrire un livre: « Comment
faire fortune sur les autoroutes de l'information.»

Source : Hackers, le 5ème pouvoir. Maxima éditeur. |
LES
LÉGENDES URBAINES DEVIENNENT-ELLES PLUS NOCIVES QU'AVANT ? BREF,
Y-A-T-IL UNE UTILISATION PLUS MASSIVE DE LA TECHNIQUE DE PROPAGATION
DES RUMEURS À DES FINS DE DÉSINFORMATION ?

Avec Internet, il est évident que la rumeur a maintenant un
magnifique terrain de jeu. Depuis la démocratisation des médias,
la désinformation est devenue accessible à tous. Maintenant,
existe-t-il une recrudescence de la désinformation par le biais de
la rumeur électronique ? C'est inévitable. Les États et les
corporations utiliseront Internet comme ils manipulent déjà les
grands bonzes du divertissement et les organes de presse. Ce qui est
nouveau, le grand public peut désormais s'interposer.

Disons que la rumeur à des fins commerciales n’est pas
encore très répandue et souvent très mal
orchestrée. En temps normal, les agence de communication préfèrent abuser du
matraquage et de la surexposition de produit. Par contre les
méthodes employées par les activistes s’affinent de jour en jour.

Il faut savoir qu’il est plus facile de produire une
rumeur afin de dénoncer quelque chose, que de créer une rumeur
afin de vendre un produit.
Le marketing viral ne sera jamais une méthode publicitaire
totalement efficace, du moins avec l'état actuel de la Toile qui est
encore sous-exploitée.

Alors,
est-ce que la rumeur électronique est nocive ?
Personnellement je trouve très sain qu'un cyber-activiste puisse dénoncer une compagnie
polluante, une publicité mensongère ou un monopole nuisible. Le
cyber-activisme est une réponse au déversement publicitaire qui infeste notre environnement.
Mieux
encore, il s'agit d'une riposte qui rééquilibre
les forces en présence. Car, depuis la démocratisation des médias, l'invention
d'Internet, il y a la
possibilité d’amorcer un véritable dialogue avec le monde impitoyable du commerce.
(Yanick
Desrosiers)
LIENS APPARENTÉS

Une vidéo, soi-disant interdite de diffusion, qui vantait en fait la carte
Nomad. Un mail prétendument envoyé par un lecteur, mais qui provenait
de l´agence
de pub de Nomad. Une drôle d´histoire :
www.le-national.com/marketing-viral.html

Les
10 meilleurs exemples de marketing viral analysés par l'agence de
webmarketing CVFM.
www.cvfm.com/marketing-viral
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