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« INTERVIEW »
LÉGENDES URBAINES
 



Mysterious Yanick D
CYBERCARNET
Vol7 - No1 - avril 2004

SPÉCIAL RUMEUR

À  P R O P O S   D E S   L É G E N D E S  P O P U L A I R E S

 


Voici la transcription d'une entrevue que je n'avais pas encore présentée dans ce site. Il est surtout question des différences entre les légendes orales et les légendes électroniques.
Texte original publié dans le magazine L'Écho du village. No18. Janvier 2002. p.42-45.
Version modifiée à la suite d'une seconde entrevue
réalisée à l'Université Laval.

 



LÉGENDES ORALES & 
LÉGENDES ÉLECTRONIQUES


Le Village : Vous êtes le concepteur de Yanickd.com, un magazine électronique qui traite à plusieurs reprises du phénomène des légendes urbaines. Quels sont vos intérêts en référence aux légendes urbaines ?

Y. D. : « Je m'intéresse aux rumeurs électroniques, mais également à d'autres phénomène, tel le patriotisme, la foi, la peur, les superstitions, les préjugés, les mythes, la pression sociale ; tous ces phénomènes qui poussent l'esprit humain vers l'irrationnel.

Je tente aussi de souligner que les frontières entre l’actualité, le divertissement et la promotion ne sont plus très nettes, surtout depuis la venue des médias électroniques. Il est maintenant crucial d’avoir un sens critique très développé, de pouvoir juger de la valeur des informations proposées par les mass-médias.

Aujourd'hui, il n'est plus pertinent de se demander si la nouvelle qu'on nous propose est véridique ou pas; il n'est plus possible de s'en assurer. Maintenant il est crucial de se demander, systématiquement, à qui peut bien profiter la nouvelle ?

Est-ce du sensationnalisme qui sert à mousser la popularité d'un média ? Est-ce une information qui sert à faire la promotion d’une personnalité publique, d'une politique ou d'une cause sociale ? Sert-elle à discréditer quelque-chose, à détourner l'attention ou encore à modifier un comportement déviant ?

 

Concernant la manipulation de la presse, avez-vous un cas concret en mémoire ?

Un cas à la télévision, sans grande incidence, mais qui en dit long sur l'état des médias au Québec. L'émission de télé-réalité «Occupation double», sur les ondes de TVA, où des célibataires libidineux hantaient deux maisons d'un quartier cossue situé à Blainville. Le couple finaliste gagnait la maison de son choix. La seconde demeure était vendue à un sinistre inconnu par la production.

Quelques semaines après le dénouement de l'émission, toujours sur les ondes de TVA, nous apprenions au bulletin de nouvelles dans un long reportage totalement insignifiant que toutes les écoles de
Blainville manquaient cruellement de jeunes. Loin d'être un sujet pertinent, ce tour guidé de la ville de Blainville ressemblait d'avantage à une vidéo promotionnelle.

Et justement, le lendemain, le lecteur de nouvelle amorçait son bulletin par cette nouvelle fracassante : la dernière maison de l'émission «Occupation Double», situé à
Blainville, n'avait toujours pas été vendue. Du grand jounalisme.

 

Pour revenir au légendes urbaines, pouvez-vous nous définir véritablement ce qu’est une légendes urbaines ?

La légende urbaine, proprement dite, c'est une histoire extraordinaire, apparemment véridique, souvent inspirée d’un fait divers, qui se propage dans la population par le "bouche à oreille" ou par le biais des médias. La légende urbaine est diffusée en toute bonne foi par des gens sincères et elle est normalement amplifiée et déformée, par chaque narrateur, afin de rendre le scénario plus crédible dans le contexte où elle est racontée.

Normalement la légende urbaine contient une part de superstition, un brin de paranoïa et une petite morale à la fin. Elle découle souvent d'une peur tapie dans la population. Par exemple, la peur des nouvelles technologies, comme les OMG, ou la peur des maladies, comme les produits infectées par des bactéries mortelles, ou encore la peur des étrangers, comme la légende de la grand-mère psychopathe.

 

Pour le plaisir, pouvez-vous nous raconter cette dernière légende ?

Oui. Rapidement, c'est une jeune femme qui retourne à sa voiture dans un stationnement souterrain. Elle découvre une veille dame dans son automobile, emmitouflée dans un châle, qui affirme s’être installée là afin de se cacher d’un rôdeur qui déambulait dans le stationnement. Toujours craintive, elle demande alors à la jeune femme de la ramener chez elle. En chemin, cette dernière remarque la main de la vieille dame, poilue et recouverte d’un tatouage russe. La jeune fille arrête aussitôt sa voiture en pleine rue, s’élance à l’extérieur et alerte les policiers. La police découvre alors dans la voiture le châle, un flacon de chloroforme et un couteau. C'était un tueur en série déguisé en vieille dame.

Il s’agit d’une légende qui traite de la peur des étrangers et des personnes âgées. La morale serait peut-être de ne pas embarquer d’étrangers dans sa voiture ou encore de ne pas se fier à la «soi-disant» faiblesse des vieillards, car ils peuvent toujours vous éborgner à grands coups de canne.

 

Revenons à Internet, puisqu'il est question de votre sujet de prédilection. Comment analysez-vous les légendes urbaines sur Internet, par rapport à celles véhiculées oralement ?

La différence majeure, contrairement au bouche à oreille qui est très lent, la légende électronique se propage de façon exponentielle par courriel. Une autre différence, la légende sur Internet n’évolue guère en raison des «copier-coller» et de la fonction «Répondre» de la messagerie électronique. Elle se transmet donc ordinairement sans qu’elle change d’un iota. Ce qui lui donne un certain aspect de véracité. D'ailleurs, elle est souvent présentée comme étant un communiqué officiel.  Si la légende orale prétend que c'est arrivé à un ami d’un ami, sur Internet, on affirmera que la source est une agence gouvernementale ou une compagnie importante.

 

Ces légendes urbaines sont-elles différentes que celles qui se propagent oralement ?

Non pas nécessairement. Ce sont souvent les même vieilles légendes urbaines, qu’on a déjà véhiculées oralement mainte et mainte fois. Dernièrement un courriel, soit disant envoyée par la Gendarmerie Royale du Canada, racontait qu’il était possible de tomber sur des aiguilles infectées du virus du sida dans les sièges de cinéma. Il s’agit d’une version moderne d’une rumeur datant de 1912. À l’époque, on parlait d'aiguilles empoisonnées, dissimulées dans les fiacres et dans les tramways. Il existe toutefois des légendes qui sont spécifiques au Web, comme les documents photographiques trafiqués par ordinateur et les annonces de (faux) virus.

 
EXEMPLE D'UN FAUX DOCUMENT PHOTOGRAPHIQUE



Selon vous d’où partent toutes ces rumeurs ?

Sur Internet, il est possible de classer les rumeurs en différentes catégories bien définies. Il existent des origines propres à chacune de ces catégories, mais d'une façon sommaire, il y a les "Rumorazzis"; un néologisme qui désigne les amateurs et les concepteurs de rumeurs et de conspirations. Ces derniers sévissent normalement sur les forums de discussion.

Il y a également la mercatique virale ou «le buzz marketing», soit des publicités déguisées, des rumeurs conçues par des firmes de communication. Il peut y avoir aussi quelques vendettas personnelles, d'anciens employés se sont déjà vengés d'une compagnie en colportant de fausses vérités. Il existe également bon nombre de légendes qui tirent leurs origines de mouvement sectaires, politiques ou religieux.

Enfin, il y a tout bonnement ces gens crédules qui croient dur comme fer à une légende et qui la propagent en toute bonne fois sur le réseau. 

 

Vous disiez qu'il y avait des catégories bien distinctes de rumeurs électroniques. Pouvez-vous nous les citer plus en détails et nous les expliquer ?

Oui. si je ne tiens pas compte des légendes urbaines classiques, comme ces fameux alligators dans les égouts de New-York, je dénombre au moins six (6) types de rumeurs électroniques :

Les alertes aux faux virus, comme Kali, Phantom Menace, California ou Wobbler. Elles se présentent toujours ainsi : On annonce qu’il s’agit d’un communiqué provenant d’une source fiable, comme Microsoft ou IBM. Généralement, c'est le pire virus conçu à ce jour et on affirme qu'il n’y a pas d’antidote connu. Finalement, et le plus important, on demande de passer le mot; car l'auteur désire que sa chimère fasse le plus de bruit possible. 

Un conseil, ignorez les alertes qui ne se sont pas affichées d'abord sur les sites officiels des compagnies d'anti-virus. Ce sont normalement les premiers informés.

La chaîne de lettres. Elle sert souvent à vous vendre une salade spirituelle quelconque. Elle est produite par un exalté qui vous invite à suivre une certaine philosophie de vie, par exemple à prier les anges ou à manger végétarien, à défaut de quoi vous serez victime d’une malédiction. Ces messages se propagent grâce à la peur qu’elles suscitent, grâce à la superstition.

Les fausses pétitions. Il est question en fait d'une mutation de la chaîne de lettres classique. Elle est aussi conçue à des fins moralistes. Je me rappelle d'une pétition afin d'empêcher la sortie d’un film sur la vie de Jésus, un film où les apôtres étaient homosexuels. Ce film n'a jamais été réellement envisagé. En fait, c'est une légende qui date des années 80. Elle origine d’un mouvement sectaire américain qui désirait, par le biais de cette pétition, éveiller la ferveur chrétienne.

Aussi, la pétition électronique vous invite souvent à envoyer un message de protestation à une adresse précise ou à remplir un quelconque formulaire d'inscription. D'ordinaire, le but véritable de ces pétitions est de connaître votre adresse électronique afin de vous expédier de la publicité non sollicitée (spam ou pourriel). C'est également le cas de plusieurs sites dédiés aux sondages électroniques.

Gardez à l'esprit que la pétition électronique ne possède toujours pas de valeur légale.

La pub déguisée. Un exemple amusant. Un courriel affirmait que le FBI possédait la photographie de 70% de la population des pays du G7. (-ouf!) L’auteur de ce message affirmait être parvenu à pirater les serveurs du FBI et disait présenter les dites photos à un lien Internet qu'il fournissait à la fin de son message. Évidemment l’adresse en question menait à un site d’humour et il s’agissait d’un canular. Un fait étonnant, quoique l'imposture ait été dévoilée clairement, la légende se retrouve encore sur certains babillards électroniques, des gens y croient toujours.

La rumeur piégée. Il s’agit d’une rumeur qui a déjà fait le tour de la planète par courrier électronique, comme une pétition ou une alerte aux faux-virus, qu’un pirate intercepte et qu’il remet en circulation après y avoir ajouté un véritable virus. ( NOTE 1 )

La désinformation. Il s’agit de légendes urbaines qui servent souvent à se venger de quelqu’un, d'une politique ou d’une compagnie. Par exemple, un anti-sudorifique précis donnerait le cancer du sein. Une marque de banane véhiculerait la bactérie mangeuse de chaire. Dernièrement, suite à la hausse du prix du pétrole, un message électronique appelait à boycotter une compagnie de pétrole en y exposant un faux scandale de pollution. Dans un cas célèbre, celui du champagne Veuve Cliquot, un message électronique affirmait que si vous expédiez un message à une certaine adresse électronique, la compagnie vous envoyait aussitôt une bouteille de Champagne sans frais. En réalité, c'était bien l’adresse électronique d’une responsable de la compagnie, mais le but du message était d’inonder cette dernière sous les courriers électroniques.

 

Revenons finalement à votre site, plus précisément au Spécial Subliminal. On peut y découvrir une panoplie de légendes concernant des groupes rock. Vous faites aussi mention de messages subliminaux qui seraient camouflés dans la musique ou simplement sur des pochettes de disque. Croyez vous à ces rumeurs ? Dans quel but les diffusez-vous ?

Le graphisme des albums rock n'a rien de bien sorcier. Ce sont simplement des œuvres artistiques produites par des illustrateurs; des artistes qui s’amusent avec l’image, comme l’aurait fait Dali ou Magritte. En ce qui attrait aux messages inversés dans la musique, cela me semblent souvent tirés par les cheveux. Dans la plupart des cas, j'associe cela à des "mirages" auditifs. Il peut arriver qu’un message subliminal ait été conçu de façon préméditée, mais je crois que c’est franchement rare.

Puis, pour ce qui est du subliminal, il faut garder à l'esprit que son efficacité n'a jamais été prouvé scientifiquement. C'est un sujet totalement bidon, le summum de la légende urbaine.

[ FIN DE L'ENTREVUE - avril 2004 ]



Y.D

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